Philippe convoque Michèle et Jocelyne à son bureau. Froidement, en les regardant droit dans les yeux, il leur annonce que leur dossier n’est pas au niveau attendu et qu’elles doivent le terminer pour demain matin. Jocelyne s’effondre en larmes, elle ne comprend pas pourquoi ? Peut-être qu’il ne m’aime pas, pense-t-elle ? Michèle, part à l’attaque, décochant flèches et autres menaces. Elle combat, il n’aura pas sa peau ! Philippe ne bronche pas, c’est son rôle pense-t-il de faire le sale boulot…
Arrêtons là ces stéréotypes, cette caricature des relations dans l’entreprise. Bien sûr il s’agit d’une fiction, d’une pure invention. Mais Comme le dit l’adage : « toute ressemblance avec des faits ayant existé ne serait que pure coïncidence… ». Pourtant cette caricature nous parle, peut-être même prenons-nous déjà le parti de l’un ou de l’autre. Alors que s’est-il joué pour nos trois acteurs ?
Qu’est ce qui fait penser à Jocelyne que son chef ne l’aime pas ? Rien de tangible, elle est submergée par ses émotions. Elles prennent toute la place, tellement de place qu’elle n’en arrive plus à réfléchir. Peut-être cette scène rebondit-elle sur son histoire personnelle lorsqu’elle s’est retrouvée enfant face à son institutrice qui l’avait humiliée quand elle ne savait pas sa récitation. Et pour Michèle, c’est le même processus qui se met en place : elle se sent agressée, Philippe lui en veut, elle doit se défendre. Elle part au combat comme quand, petite, elle se rebellait contre son père qui l’envoyait se coucher et qu’elle trouvait cela injuste de ne pas pouvoir rester avec les « grands ». Elles sont toutes les deux aveuglées par leurs croyances. Elles considèrent Philippe comme une menace et lancent le plan ORSEC (Organisation des secours).
Intéressons-nous maintenant à Philippe, lui il semble ne rien ressentir. Il est coupé de ses émotions. Il répond au modèle d’éducation et management occidental dans lequel les émotions n’ont pas leur place. Ne disait-on pas, dans le temps (au risque d’être sexiste) que « c’était des trucs de filles ! ». Un chef ne doit pas ressentir, seul le raisonnement et le résultat comptent. Et pourtant en laissant la juste place aux émotions, en faisant preuve d’empathie, n’aurait-il pas pu arriver au même résultat sans laisser Michèle et Jocelyne plus bas que terre ?
Si nous éprouvons des émotions, c’est que cela doit servir à quelque chose ! Alors comment ça marche tout ça ?
Tout commence par un évènement extérieur qui déclenche le processus émotionnel. Notre cerveau met alors en action sa partie la plus archaïque : le Cerveau Reptilien. Son rôle est de garantir notre sécurité. S’il détecte un risque, il met en route le plan de sauvetage avec tous les impacts physiologiques qui en découlent (rythme cardiaque, température du corps, sueur, adrénaline…). Associées à ces sensations, nos réactions de défenses automatiques se mettent en place. Il peut s’agir de fuite (je sauve ma vie), d’agressivité (La meilleure défense c’est l’attaque) ou même de repli sur soi pouvant aller jusqu’à la dépression. Nos émotions sont donc une réaction psychologique à un évènement extérieur et générant des ressentis corporels. Elles trouvent leur origine dans notre histoire, souvent dans notre enfance, mais aussi dans notre culture et notre inconscient familial. C’est notre système limbique qui gère cela. C’est seulement quand la réaction sera en place, que le danger sera soi-disant écarté, que le Néo Cortex reprendra la main en apportant à la situation distance et raisonnement. Tout cela n’est là que pour garantir notre survie. Parfois l’émotion est tellement forte qu’elle ne laisse pas la place au cerveau cognitif. La personne voit ses pensées tourner en rond dans une boucle obsessionnelle dont le seul lien avec la réalité ne correspond qu’à ses croyances.
Dans ce cas, pour laisser la place au raisonnement, ne faut-il pas se couper de ses émotions ? Même si c’est ce que pensent encore aujourd’hui certains et si toute une méthode d’éducation (sois fort) s’appuie sur cette croyance, les émotions nous sont fort utiles. Elles sont là pour nous avertir du contenu de la situation qui se joue. Les émotions sont des signaux : la peur nous informe d’un danger, la colère d’une frustration, la tristesse d’une perte, la joie de notre envie de vivre… Alors se couper de ces signaux revient à se priver d’informations essentielles. Si je suis à l’écoute de mes émotions, je vais ressentir ce qui se joue en moi, à cet instant précis. Si je les accueille, elles vont me permettre de comprendre la situation dans laquelle je suis.
Il est donc important de laisser ses émotions s’exprimer, mais sans leur laisser le pouvoir de tout diriger. Pour cela il est essentiel d’apprendre à les écouter, à les accueillir, à aller à leur contact, à les mettre en lien avec nos ressentis corporels. A partir de ce moment-là, il devient plus aisé de les laisser à leur juste place : celle d’un donneur d’alerte. Celui qui doit organiser l’action c’est notre cerveau cognitif. De plus savoir écouter ce qui se joue à l’intérieur de soi, c’est aussi être capable de ressentir ce qui se passe chez l’autre, sans fusionner avec les émotions de l'autre, sans tout accepter, juste le comprendre et faire preuve d’empathie. Ainsi notre compréhension des situations est plus large et les relations humaines peuvent se dérouler de façon plus fluide.
Pour atteindre cette façon d’être, la Sophrologie fait partie des techniques pertinentes. La sophrologie s’appuie, entre autre, sur la gestion de notre respiration et sur la mise en mouvement de notre corps. Ecouter sa respiration, c’est déjà prendre conscience de son corps. Cela peut nous indiquer dans quel état d’être nous sommes : ma poitrine et mes épaules se soulèvent, je suis stressé, mon ventre fait un mouvement de va et vient, je suis calme… Lorsque je respire naturellement, le mouvement est automatique, il est piloté par le cerveau reptilien. Si je suis sous l’emprise de stress ou de mes émotions, je vais avoir tendance à respirer par le haut de la cage thoracique. C’est le système limbique qui est aux commandes. Si je ramène consciemment ma respiration au niveau ventrale, c’est le Néo Cortex qui est à la manœuvre. La particularité de cette partie du cerveau c’est qu’elle ne pilote qu’une chose à la fois. Si je pense à respirer, je ne pense pas à mes soucis. C’est le fondement même de la méditation. Si je pense aux mouvements que je suis en train de faire, je ne pense pas à mes ennuis et ainsi je fais le vide dans ma tête. La sophrologie permet de par ses approches à la fois statiques (méditation, visualisation) et dynamiques (en mouvement) de prendre conscience de sa corporalité, d’en écouter les signaux, sans laisser la place à ce « petit vélo » qui tourne si souvent dans notre tête. Cette technique nous permet donc de rester centré sur ce que nous sommes réellement et d’équilibrer entre elles, voire de développer, nos différentes formes d’intelligence : Corporelle (sensations), Emotionnelle, Intuitive (énergie) et cognitive. La Sophrologie en nous permettant de développer nos 4 formes d’intelligence, nous permet d’ouvrir notre champ de connaissance de chaque situation, d’en comprendre les conséquences sur soi, les motivations de l’autre, de prendre de la distance avec les évènements et ainsi de pouvoir poser des actes ou des paroles en conscience. Cela nous amène ainsi à agir, plutôt qu’à réagir en fonction de nos croyances sur l’intention hypothétique de l’autre et sur nous-même.
Dans notre exemple du début, en ne fusionnant pas avec leurs émotions, Michèle et Jocelyne auraient pu comprendre que seul leur dossier était à compléter et que cela ne remettait pas en cause leur personne. Quant à Philippe, en écoutant ses ressentis et en laissant s’exprimer ses émotions avec de l’empathie, il aurait pu transformer ce moment de tension en une réunion constructive de laquelle chacun serait ressorti grandi, apaisé et sachant exactement ce qu’il lui reste à faire pour atteindre cet objectif commun.
En conclusion, pour vivre des relations apaisées avec son entourage, il est important d’écouter ses émotions sans fusionner avec elles ni s’en couper, juste d’aller à leur contact. La Sophrologie est une technique performante pour développer sa capacité à accueillir ses émotions tout en gardant la distance nécessaire. Cela permet d’apaiser ses relations avec les autres mais aussi avec soi-même.
Ainsi dans notre société dans laquelle la pression du temps et de l’argent génère du stress, la sophrologie est un bon moyen de s’offrir une parenthèse de calme et de sérénité.
« Des émotions qui seraient trop peu vécues conduisent à l'ennui...
...Les émotions en libre expression, sans gestion, peuvent conduire à la pathologie!
C'est le rapport entre les deux, l'équilibre juste, qui détermine le sentiment de bien-être ».
Birgit KOTZAN – Sophrologue et Sophro-Analyste – Formatrice à l’IESA
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